Patagonie (Argentine)

Les paysages plats à perte de vue de la Patagonie pourraient nous rendre anxieux. Un grand vide s’installe les premières heures mais laisse rapidement la place à un sentiment de plénitude et de liberté, loin de toute la folie urbaine.

Là où personne n’irait, après 17 heures d’avion et 32 heures de bus, voici l’estancia Santa Thelma, au bout du monde. Le premier voisin se trouve à 30 minutes de pick-up et le premier village à des heures. Seule dans l’estancia avec le gaucho et les propriétaires, je retrouve des sentiments refoulés comme bon nombre d’hommes de chevaux, ceux d’une personne solitaire, proche de la nature et des animaux. Ici, pas de montre ni de portable, je m’adonne au travail de ranch et des chevaux dans le calme et la sérénité.

Préparation des poulains.

L’estancia comprend plus de 22’000 hectares de terres. C’est là que je vais aller à la recherche du troupeau de poulains sauvages. Nous préparons nos chevaux confirmés dans un silence général, conscients que le travail sera long et fastidieux. Départ pour plus de 4 heures de recherches dans les plaines, derrières les rochers, sur les mesetas (grands plateaux plats en altitudes). Les gauchos sont d’une patience impressionnante et restent concentrés sur d’éventuelles traces fraîches de sabots qui nous indiqueraient la direction à prendre. Après avoir repéré le troupeau, il nous reste quelques heures à galoper derrière, à côté et devant lui pour le guider jusqu’au ranch. A cette tâche, l’agilité et l’endurance des chevaux montés sont impressionnantes !

Une fois à l’estancia, le travail d’éducation des poulains peut commencer : il s’agit avant tout de gagner leur confiance ! Un travail qui nécessite une grande patience mais une fois gagnée, les poulains sauvages nous offres de belles surprises par leur rapidité d’apprentissage.

Cette partie du travail est passionnante. Voir un poulain sauvage nous offrir sa confiance est un sentiment que je souhaite à tous les cavaliers…

Débourrage.

Chaque débourrage mène à la même conclusion : – savoir aborder avec politesse – percevoir le bon moment pour franchir une nouvelle étape – obtenir calme et confiance.

Si nous tentons de brûler une de ces étapes, le cheval se chargera de vous remettre à sa place. Mon premier cheval débourré en Patagonie fut un jeune étalon de 3 ans. Très confiant, docile et attendrissant, j’ai voulu le monter plus rapidement sachant que j’avais 13 autres chevaux en attente. Ce jeune élève à rapidement remis mes pendules à l’heure m’expliquant clairement et « douloureusement » qu’on ne montait pas un cheval sans prendre le temps !!!

Après tous ces débourrages, je ressors une fois de plus enrichie d’avoir côtoyé de jeunes poulains sauvages m’ayants servis de maîtres.

La vie de gauchos.

Grande découverte ; Les gauchos de Patagonie sont les cow-boys de l’Amérique. Dans certains endroits (notamment où j’étais) ces derniers vivent comme au siècle dernier. Peu d’eau et d’électricité, une maisonnette de 20m2 avec deux chaises et une table. Leur vie est dédiée au travail de ranch dur et intensif. Leurs mains usées par le travail et leurs peaux brulées par le soleil des plaines rendent ces hommes très typés. Leur côté machos m’ont fait sourire plus d’une fois surtout lorsqu’ils s’interrogeaient à la vue de mon travail habituellement réservé aux hommes! Mais derrière ces durs hommes se cachent souvent d’honnêtes, droits et travailleurs personnages.

Grande déception ; Que faire à la vue d’une telle méchanceté gratuite. Réagir ? Subir ? Je n’ai pu que constater les coutumes ancestrales dures et injustes appliquées sur le règne animal.

Contrairement aux cow-boys américains, les gauchos n’ont que très peu de respect pour leur monture. Coups, entraves, passage à tabac sont choses courantes dans beaucoup d’estancias !

Pour un gaucho, un cheval effrayé, un cheval qui lutte contre l’homme n’est qu’une simple distraction. Plus le cheval bouge, se débat, plus l’homme est content. Il arrive que les débourrages des chevaux sauvages se fassent dans la souffrance et la peur. Le cheval est attrapé au lasso, la tête attachée à 50cm d’un gros poteau est lynché jusqu’à totale soumission morale et physique…pour finalement être chevauché !

Il est difficile de rester de marbre face à de telles spectacles mais il est impossible de vouloir faire comprendre à des gauchos parfois encore illettrés que leurs pratiques ancestrales sont injustifiées !